jeudi 29 avril 2010

Les voies parallèles du maintien et de l'occupation

"Les voies parallèles du maintien et de l'occupation" est le titre d'un encadré dans le Robert historique en 3 volumes, il me semble. Je ne sais plus comment on en est arrivé là précisément mais je sais pourquoi. Et j'écris "on" car pour trouver ce titre-là, je n'étais pas seul.
-
En mai (juin 2003), les éditions de l'Attente m'avaient invité à venir lire à Bordeaux.* À cette occasion, je rencontrai Isabelle Jelen, personnalité active des Cuisines de l'Immédiat, artiste polyvalente (de la vidéo à l'expérimentation culinaire en passant par la chanson) dont j'apprécie particulièrement les courts "textes" très conceptuels.**
Nous nous dîmes : "faisons quelque chose ensemble !" et nous ne fîmes rien. Mais nous le fîmes avec élégance, et ce rien à un nom : Les voies parallèles du maintien et de l'occupation.
-
Si ce n'est pas de l'œuvre potentielle, ça…
-
photo : page 29 de Collection particulière d'Isabelle Jelen
-
* Avec Marie Rousset, que j'ai revue récemment à Clermont-Ferrand.
** Lire notamment à l'Attente : Carnet de bal, La meilleure manière de partir, Collection particulière, Nouvelle coiffure, mon savoir

lundi 26 avril 2010

Quatrines

Cela fait trop longtemps que je n'ai rien écrit sur la "machinerie" de Re-. Pourtant j'y pense, j'y pense… Et, notamment, puisque j'ai écrit ici que j'avais changé mon fusil d'épaule concernant la longueur des vers, il me fallait bien revoir la structure que j'avais envisagée .
-
Alors, qu'ai-je fait ?
-
Ayant limité à quatre les mètres possibles de vers (6, 7, 8 et 9), chaque type de fatras apparaîtra donc onze fois. Comment les organiser ? J'ai choisi de faire ça :
-
Je prends une première pseudo-quatrine* en partant de la série 6 7 8 9 :
-
6 7 8 9
8 6 9 7
9 8 7 6
7 9 6 8
-
et puis une seconde pseudo-quatrine en partant de la série 6 8 9 7 :
-
6 8 9 7
9 7 8 6
8 6 7 9
7 9 6 8
-
qui fonctionne sur un autre mode de permutation mais comme ma série de départ est différente, elles se terminent toutes deux sur la même suite 7 9 6 8 (c'est pas fait exprès).
-
16+16 = 32, il manque encore 12 positions pour atteindre mes 44 poèmes.
-
J'intercale donc entre les deux une pseudo-pseudo-quenine interrompue en partant de la série 6 9 8 7 :
-
6 9 8 7
7 6 9 8
8 7 6 9
-
Ce qui nous donne au final l'ordre suivant** – qui représente, je le redis, l'ordre des métriques utilisées pour chacun des 44 poèmes – peut-être définitif mais on ne sait jamais…
-
6 7 8 9
8 6 9 7
9 8 7 6
7 9 6 8
6 9 8 7
7 6 9 8
8 7 6 9
6 8 9 7
9 7 8 6
8 6 7 9
7 9 6 8
-
* 4 n'est pas un nombre de Queneau ; c'est-à-dire qu'il ne peut donner lieu à une n-ine au sens strict. Mais Jacques Roubaud a cherché à étendre ce type de permutations à d'autres nombres, dont le 4 (lire également Sainte Catherine de Harry Mathews publié chez P.O.L), d'où ce "pseudo".
** À lire toujours de gauche à droite.

samedi 24 avril 2010

Au-delà du volcan

J'aurais dû vous annoncer ici la rencontre prévue mercredi 28 avril avec Emmanuelle Pireyre et Céline Geoffroy. Seulement voilà, Emmanuelle, partie en voyage au Japon, se trouve retenue à Tokyo par un volcan. Aïe !
Les voies du ciel étant impénétrables, nous avons préféré annuler la rencontre initialement prévue (où l'on aurait parlé des livres d'Emmanuelle mais aussi de création radiophonique avec Céline Geoffroy).
-
Mais bon… On ne va pas renoncer à une soirée, tout de même ! Dans le cadre de ma résidence, dix étaient prévues, dix il y aura.
-
Je propose donc ceci : à 20 h précise, mercredi 28 avril au Comptoir des mots (239, rue des Pyrénées, Paris 20e – métro Gambetta), je serai là et lirai de la poésie (mais pas la mienne) : des extraits de Comment faire disparaître la terre d'Emmanuelle Pireyre pour commencer. Et j'invite tous ceux qui le souhaitent à venir nous rejoindre, l'équipe du Comptoir et moi, pour lire, à voix haute, ce que bon vous semblera (tant que ce n'est pas vous qui l'aurez écrit).
Vous pouvez apporter des livres de votre propre bibliothèque. Mais, par chance, dans la librairie Le Comptoir des mots, il y a également des livres (quelle coïncidence !), vous pourrez donc même venir les mains vides.
-
On lira, on parlera et on festoiera. C'est dit.

mardi 20 avril 2010

L'affaire Furtif de Sylvain Prudhomme

Je viens de lire un roman formidable : L'affaire Furtif, par Sylvain Prudhomme, publié chez Burozoïque dans la collection "Le répertoire des îles" de Mathieu Larnaudie. Texte tellement formidable que je suis un peu dépité de ne plus pouvoir le lire pour la première fois.
-
Je n'en ferai ni la critique ni n'en résumerai l'intrigue : je ne sais pas le faire et je n'aime pas ça.
-
Mais j'ai vraiment envie de partager avec le plus grand nombre cet immense plaisir de lecture.
Le livre m'a fait penser – et pour moi, c'est un compliment – à certains textes de Georges Perec (La partie "W" de W ou le souvenir d'enfance, deux ou trois "romans" de La vie mode d'emploi ou un petit quelque chose de La disparition (sans le lipogramme)), le Perec lecteur de Jules Verne et des romans d'aventures adolescents. Avec sa couleur propre, attention ! qui à mon avis n'appartient à pas grand monde d'autre que Sylvain Prudhomme.
Faites-moi confiance : achetez-le (8 €), dévorez-le et ensuite vous n'aurez plus, tout comme moi, qu'une seule envie : en parler et le relire !

dimanche 18 avril 2010

Tangos en prose

L'idée était simple (sur le papier) : relever les deux cents mots les plus fréquents dans un corpus significatif de de tangos argentins* pour constituer un lexique exclusif, une langue privée (privée de tous les autres mots)**.
-
Composer ensuite des tangos en prose, pas des chansons, attention, des tangos-en-prose, poèmes qui essayeraient de parler de tout sauf des thèmes classiques du tango (amour perdu, exil, mélancolie, solitude, etc.)
-
La question dès lors aurait été : comment exprimer le concept de, disons, "fourchette" dans une langue qui ne possède pas ce mot ? Le genre de choses qui me passionnent…
-
Le problème c'est que mon affaire a capoté dès la phase 1, la récolte "statistique" des mots du tango. Faire ça à la main, ah non ! c'était vraiment trop pénible.
-
Tant pis…
-
* Chantés, évidemment, et dans leurs traductions françaises.
** Mais les mots-outils auraient été autorisés.

jeudi 15 avril 2010

Polaire

Polaire
-
si
ours
blanc
devant
toi
récit
blanc
devant
toi
de
ses
aventures
(vite)
point
blanc
sur
blanc
jusqu'
à
l'
hiver
devant
toi
il
est
mort
et
le
trou
le
plus
froid
(vite)
on
l'
enterre
pour
une
autre
fois
le
mystère
de
ces
glaces
la
banquise
devant
toi
imperturbable
la
raison
qui
échappe
et
(vite)
enchaîne
le
contraire
du
vertige
devant
toi
on
ne
peut
pas
non
admettre
quoi
le
repère
est
fondu
il
n'
y
a
pas
de
repère
tout
est
blanc
blanc
cette
fois
(je me rappelle avril)
et
comme
on
préfère
la
neige
devant
toi
n'
est
ce
pas
beau
la
neige
oh
et
ce
mystère
ce
qu'
il
y
a
dessous
(vite)
et
en
dessous
on
fait
un
trou
devant
toi
pour
ours
blanc
dans
le
blanc
devant
toi
on
enterre
et
puis
non
c'
est
de
l'
eau
(vite)
de
la
glace
(vite)
un
état
si
on
ne
bouge
pas
liquide
et
geler
et
courir
se
rouler
(vite)
dans
la
neige
n'
est
ce
pas
apprécier
blanc
le
froid
devant
toi
admettre
alors
et
vide
et
plein
la
position
abstraite
(vite)
le
point
blanc
devant
toi
ours
si
blanc
et
le
trou
(vite)
devant
toi
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
blanc
polaire
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-

mardi 13 avril 2010

Très peu d'objets nous font de l'ombre

Il y avait eu d'abord Schumann Lieder, qui me semblait un bon titre pour un ensemble de poèmes utilisant comme "base" formelle le Yi King (!)* Et puis lorsque j'ai commencé à composé les poèmes**, un vers m'a sauté aux yeux comme étant plus approprié pour désigner l'ensemble***.
-
Très peu d'objets nous font de l'ombre. L'énoncé, d'abord, est un octosyllabe. Ce qui n'est pas inintéressant. Et surtout, il est ambiguë.
Soit on entend "très peu d'objets nous font de l'ombre", soit on entend "très peu d'objets nous font de l'ombre". Et ce n'est pas la même chose.
Dans le premier cas, la vision "optimiste" l'emporte : ils sont si peu nombreux, les objets à nous faire de l'ombre, que la vie ne nous pèse pas. On est dans la lumière presque tout le temps.
Dans le second cas, bien sûr, c'est l'inverse. Il suffit d'un rien pour venir noircir le tableau, un minuscule pan de pénombre vient foutre notre vie en l'air.
Ce n'est pas que ça me préoccupe tant que ça en fait. Ce qui m'intéresse c'est plutôt que l'énoncé laisse entendre les deux, le lumineux et le sombre, ce qui me semble un plutôt bon raccourci**** du Yi King.
-
* Le Yi King, ou Livre des Mutations chinois, comprend 64 "hexagrammes". 64 c'est 8x8. J'imaginais d'écrire 64 poèmes. Chaque poème composé de 8 lignes, chaque ligne constituée de 8 segments. Aux segments seraient attribués deux types de caractéristiques formelles échelonnées de 1 à 8. D'une ligne à une autre ces 2x8 caractéristiques changeraient de positions en permutant selon deux types d'octine, deux pseudo-quenines d'ordre 8 sur le modèle proposé par Jacques Roubaud dans N-ines, autrement dit quenines (encore), La Bibliothèque Oulipienne n°66. C'était pas de la tarte, me direz-vous. Et c'est vrai : je n'y suis toujours pas arrivé.
** Plus exactement à la troisième tentative d'écriture de ces poèmes…
*** C'est une chose très rare pour moi qu'un titre émerge après le début du travail de composition proprement dit (mais je l'ai déjà dit).
**** Et comme tout raccourci, forcément réducteur.

dimanche 11 avril 2010

Tirer-un-trait

C'est avec un grand plaisir que j'annonce ici la parution du premier numéro de la revue Ligne 13*. Intitulé Tirer-un-trait, l'ouvrage est disponible dans un tas de bonnes librairies, dont le Comptoir des mots qui recevra d'ailleurs les deux fondateurs de la revue, Francis Cohen et Sébastien Smirou, ainsi que quelques-uns des auteurs ayant participé au numéro (Marie-louise Chapelle, Jean Daive, Christophe Mescolini et votre serviteur, d'autres peut-être…) le mercredi 5 mai à 20h pour une soirée de "lancement" du canot**.
-
Puisque je suis dedans, je ne vais pas vous dire tout le bien que j'en pense. Mais ça me démange.
-
* Vous pouvez vous y abonner en visitant le site.
** La revue est superbement illustrée par François Matton qui me pardonnera, je l'espère, le massacre photographique de son dessin de couverture…

samedi 10 avril 2010

Chambardement

Depuis quelques semaines, Re- (ou je) piétine. Cela est peut-être dû, certes, a une dispersion de mes activités difficilement compatible avec le temps de la composition d'un livre mais aussi à autre chose, je viens de le réaliser aujourd'hui.
Même si les poèmes n'avancent pas, je les relis souvent. Dans ma tête, ou à haute voix, encore et encore. C'est toujours ainsi que je procède, comme un test de fiabilité*.
Et, donc, en relisant mes fatras, j'ai pris conscience aujourd'hui de ce qui depuis un moment clochait dans ma tête** sans que j'ai pu l'identifier : les longueurs de vers de certains poèmes. Plus exactement, ceci : les vers courts fonctionnent très bien (jusqu'à 9) mais à partir de 10, ça commence à dérailler et pour 11 et 12, rien ne va plus…
Il s'agit peut-être d'une vision purement subjective mais j'en ai maintenant la certitude, les déca-, les endéca- et les dodécasyllabes, dans la langue que j'emploie pour ce livre, ne marchent pas. Les poèmes deviennent lourds, sentencieux… Ça pèse des tonnes et j'ai l'impression de me la raconter. Et ce n'est surtout pas le ton que je veux donner à Re-.
Ce qui m'intéresse et fonctionne à mes yeux avec les vers courts (de 6 à 9 syllabes donc) c'est une légèreté, une certaine inconséquence même, que les vers "longs" oblitèrent.
Cela a peut-être à voir avec un équilibre (une harmonie ?) : le rapport entre le nombre des vers et leur longueur.***
La forme-fatras (telle que je l'ai fixée : 13 vers (2+6+5)) n'est pas la forme-sonnet. Si l'alexandrin et le sonnet sont faits l'un pour l'autre****, comme le vin rouge et le camembert en quelque sorte, le fatras lui me semble taillé pour accueillir des vers poids plume.
-
Bref, la "belle" construction que j'avais élaborée ici s'écroule sur le champ. Me reste plus qu'à remonter autre chose… Nous voilà beaux.
-
* Quand j'étais le mois dernier à Clermont-Ferrand pour la Semaine de la Poésie, je suis passé souvent devant les usines Michelin et notamment devant d'étranges constructions qu'on m'a dit être les anciennes rampes d'essai où l'on testait la résistance des pneus… Ma rampe d'essai à moi, c'est la voix.
** Je sais, l'expression est ambiguë. Mais imaginez une petite sonnette d'alarme en train de carillonner.
*** Quelque chose comme le nombre d'or doit venir jouer un rôle là-dedans mais je n'ai pas le temps d'approfondir pour le moment.
**** Mais le sonnet a utilisé dans l'Histoire une grande variété de mètres, ne l'oublions pas.

mardi 6 avril 2010

N/S

J'ai rencontré Ian Monk en mai 2002 chez François Caradec lors d'une réunion de l'Oulipo où j'étais "invité d'honneur".*
Un an plus tard, en mai 2003, revenant à Paris pour une semaine de vacances, j'assistai à Jussieu, amphi 24, à un Jeudi de l'Oulipo après lequel je me joignis à quelques oulipiens – Jacques Jouet, Olivier Salon, Ian Monk – et à leurs amis (je me souviens que Marc Lapprand était présent) pour dîner en terrasse d'un café. Il faisait doux ce soir-là.
Je ne saurais pas me rappeler comment l'idée avait préalablement germé dans ma petite tête, mais elle existait déjà puisque ex abrupto je proposai à Ian une collaboration. Une proposition qui tenait en trois signes : 'N', '/' et 'S'. Parce qu'il vivait à Lille et moi à Toulouse, un titre en forme d'axe cardinal : Nord / Sud.
Ian me répondit aussitôt qu'il était o.k. mais qu'il voulait écrire en anglais.** Et il se mit à griffonner sur la nappe la forme de huitain bilingue que nous allions commencer à utiliser quelques jours plus tard pour composer notre livre commun. Après ça, je ne fis que suivre le mouvement.
-
Combien y avait-il de combinaisons dans un huitain bilingue à raison de quatre vers en français et autant en anglais ? 70.
Devions-nous nous contenter de composer une seule séquence ou bien nous fallait-il en écrire une autre pour que la symétrie soit parfaite ? Réponse 2 : 140 poèmes donc.
Et ces 140 poèmes ne devions-nous pas les traduire en miroir pour que les lecteurs uniglottes puissent éventuellement y retrouver leurs petits ? Yes : 140 x 2 = 280 poèmes.
-
Nous nous envoyions des e-mails une à deux fois par jour sur l'axe Nord-Sud. À la fin de l'été, il me semble, le livre était écrit.***
-
* C'est comme ça qu'on dit.
** Il a depuis montré avec Plouk town (Cambourakis, 2007) qu'il savait écrire en français.
*** Puis publié, fin 2004, aux éditions de l'Attente.

dimanche 4 avril 2010

Rrrrrrrrreeeeeeeee

J'ai bien remarqué, ces derniers jours, l'insistance avec laquelle mon fils tente de me ramener, mine de rien, à l'essentiel : l'écriture de Re-. "Re-… Re-… Re-…" me répétait-il encore pas plus tard qu'hier, alors qu'il avait abandonné le vocable depuis déjà pas mal de temps au profit de "da", "ga" et autres "awa". C'est un signe.
Je n'avais pas conscience que l'expérience lui tenait particulièrement à cœur mais force est de constater qu'il a noté le ralentissement du projet* et m'encourage à, que dis-je, me presse de me ressaisir afin de le mener à bien.
Oh, bien sûr, si je lui posais directement la question, il répondrait par quelques signes apparents (gominage des cheveux à la pâte de courge, concours de postillonage ou tentative de record du monde du jet de doudou) que marcher est une opération qui le requiert à plein temps et que s'il doit un jour s'intéresser à la poésie, il faut d'abord qu'il apprenne à compter ses pas.
Mais je ne suis pas dupe. Il me pousse. "Re-… Re-… Re-…"
Alors que voulez-vous que je fasse ? Le retard s'accentue, mais je continue.
-
* Pourtant il ne lit pas le blog, lui.
 

blogger templates | Make Money Online