vendredi 19 février 2010

Deux maîtres encore (mais pas les mêmes)

Ce n'est pas quelque chose qui arrive toutes les semaines : voir paraître deux nouveaux livres d'auteurs qu'on admire plus que tout. Cela m'arrive cette semaine.
Grèges publie Lectures avec tinnitus d'Oskar Pastior et Cent pages La folie de l'or de Gilbert Sorrentino*. J'en suis tellement heureux que je me mets à en parler leur lecture à peine entamée.**
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Lectures avec tinnitus , traduit de l'allemand pastiorien par sept courageux traducteurs, est une anthologie parcourant chronologiquement l'œuvre du poète.
La folie de l'or (titre original : Gold fools), roman de 250 pages constitué uniquement de phrases interrogatives, est traduit de l'anglais américain par le grand Bernard Hoepffner.
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Les premières pages de l'un me font découvrir un Pastior "jeune poète des années 50" que je ne connaissais pas mais dans les poèmes duquel pointent déjà ces incroyables dérèglements de la langue, cette "friture" radiophonique, comme l'écrit justement Jacques Lajarrige dans sa postface, que l'on retrouvera, amplifiée encore, dans les poèmes des années suivantes (eux aussi apparemment bien représentés dans le livre).
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Dès les premières pages de l'autre, je retrouve le bonheur de lecture unique qu'offrent les romans de Sorrentino. Une jubilation formelle combinée à un humanisme sombre, féroce, qui n'épargne rien, même pas la propre plume de l'auteur. La langue résiste et dans un même temps vous fait émettre ces gloussements de plaisir qui font que les autres usagers du métro vous regarde drôlement…
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Plus drôles et plus expérimentaux que ces deux hommes-là, cela n'existe pas.
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Je regarde les deux livres, leurs couvertures, posés devant moi et je pense que ces deux "monstres"-là sont morts la même année, en 2006, à cinq mois d'écart. Et qu'à cinq mois d'écart, la première chose que j'ai faite à chaque fois a été d'écrire à Harry Mathews, qui était l'ami de l'un comme de l'autre. Ce qui fait que par la grâce d'Harry et la triste coïncidence de leurs morts, la pensée de l'un m'évoque très souvent désormais celle de l'autre.
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C'est aussi qu'ils sont à mes yeux, chacun, et de manière très similaire, l'écrivain idéal. Pastior poète idéal. Sorrentino romancier idéal. Idéaux parce qu'extrêmes, sans concession, généreux et aventureux, jusqu'au bout.
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* Cent pages réédite simultanément, du même auteur, Steelwork et Red le démon.
** Pas de "critique" ou de "revue" ici donc.

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