J'ai envisagé un temps pour ce blog de regrouper plusieurs titres, et leurs commentaires, en un seul message : un paquet de cinq ou six à chaque fois et le tour serait joué : on avancerait plus vite dans la liste et, surtout, on n'aurait pas à creuser trop profond. C'est que, quelquefois, la matière qu'offre un intitulé paraît trop peu abondante.
Prenons par exemple ces Poèmes pour. Aucun, bien entendu*, n'a vu le jour. Le titre s'est glissé deux ou trois fois dans mes listes… et puis c'est tout. Quant à la formulation elle-même, elle n'est pas très folichonne. C'est en tout cas ce que j'ai pensé lorsque j'ai retrouvé le titre dans l'un des cahiers bleus.
Le travail de remembrance qu'impose l'exercice doit cependant permettre de dégager autre chose qu'un simple ressenti. La question devrait plutôt être : en posant tel titre, qu'avais-je en tête exactement ?
À l'examen des souvenirs, il me semble que le projet a deux sources : Raymond Queneau et Morton Feldman.
Dans Le chien à la mandoline, Queneau écrit en effet trois poèmes-hommages : "Hommage à Gertrude Stein", "Hommage à Jacques Prévert" et "Hommage à Tristan Corbière". Si les titres ne contiennent pas la préposition pour mais un "hommage à" plus solennel, il n'en demeure pas moins que le modèle quenéïen m'est forcément passé par la tête quand je pensais à écrire ces poèmes**.
Quant au compositeur américain Morton Feldman, il a donné à certaines de ses pièces des titres en forme de dédicace : For John Cage, For Philip Guston, For Bunita Marcus, For Christian Wolff, For Samuel Beckett… Le caractère minimaliste des titres reflétant parfaitement le caractère minimaliste de la musique, et le caractère minimaliste*** de ce que je projetais d'écrire.
Nommer un livre Poèmes pour, cela signifiait pour moi m'inscrire, modestement, dans ces "traditions" et jouer l'effacement derrière les dédicataires de chacun des poèmes.
La technique d'effacement a été si efficace que le projet en est resté au stade embryonnaire : "poèmes pour" sont les deux seuls mots du livre. Je préfère ça à "poèmes contre".
-Frédéric Forte
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* Ne faites pas attention : c'est de l'auto-dénigrement.
** Le "modèle quenéïen", comme je dis, m'influençait en tout lors de mes premières années d'écriture poétique. Aujourd'hui, sa présence est plus diffuse, mêlée à d'autres références, mais toujours très importante.
*** ha ha ha !
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